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28/04/2016

TAFTA : "Ne pas négocier dans le dos des citoyens !"

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L'engrenage libre-échangiste Bruxelles-Washington soulève une indignation croissante chez les peuples européens :


 

Pur produit du libéralisme idéologique, le projet d'accord TAFTA (TTIP) est désormais compris, donc refusé, par une grande partie de l'opinion publique dans les pays d'Europe : notamment en Allemagne.

Cette indignation exerce sur les dirigeants politiques la « saine pression » prônée par le pape François ; d'où la posture critique affichée depuis quelques jours par MM. Hollande et Valls. Mais on connaît la soumission de l'Elysée à la chancellerie de Berlin, et la soumission de la chancelière à la Maison Blanche...

Et l'on vient de voir M. Obama rappeler sèchement à l'ordre les Européens : à Hanovre, le 24 et 25 avril, il a proclamé la volonté américaine de faire aboutir le chantier du TAFTA-TTIP.

Recourant à l'artifice de la nouvelle guerre froide*, le président US sortant a mêlé libre-échangisme et slogans sécuritaires. « Nous comprenons combien il doit être facile de récriminer contre Bruxelles et de se plaindre : mais souvenez-vous (s'est-il permis de dire) que chaque membre de l'Union est une démocratie... Souvenez-vous qu'aucun pays de l'UE n'a pris les armes contre un autre pays membre... Souvenez-vous que l'OTAN est plus forte qu'elle ne l'a jamais été. »

Ces trois idées sont trois artifices. En effet :

1. « Chaque membre de l'Union » est peut-être une démocratie (encore qu'il faille s'interroger sur le contenu de cette notion en 2016), mais l'Union en elle-même ne fonctionne pas comme une démocratie.

2. Si «  aucun pays de l'UE n'a pris les armes contre un autre pays membre », ça ne tient nullement à la construction européenne mais à l'impossibilité matérielle et morale d'une nouvelle guerre intra-européenne après les deux précédentes. Seuls des Américains désinformés l'ignorent ; seuls des propagandistes de la société de marché font semblant de l'ignorer. 

3. La phrase sur l'OTAN « plus forte qu'elle ne l'a jamais été » est un abus doublé d'une menace : avoir fait de l'Europe une annexe de l'espace militaire US, et en tirer argument pour sommer les Européens (otanisés) de filer doux sur le plan commercial.

Le plus urgent objectif de cette pression américaine est de faire ratifier le TAFTA (TTIP) avant que M. Obama ne quitte la Maison Blanche en janvier 2017. Les peuples européens sont en mesure d'y faire barrage. Pour cela, faisons connaître partout le contenu de la menace ! On a entendu ce matin au journal de Radio Vatican le Pr Frédéric Farah, co-auteur avec Thomas Porcher du livret Tafta, l'accord du plus fort. Voici des extraits d'un entretien avec Porcher :

 

TAFTA, L'ACCORD DU PLUS FORT

► Présentation du livre : « Aujourd’hui à Bruxelles et aux États-Unis, se joue la signature d’un traité qui risque de changer radicalement la vie de centaines de millions de citoyens américains et européens. Son nom : TAFTA. Son but : abaisser le plus possible les barrières du commerce – notamment les normes – entre nos deux continents pour « faciliter les échanges ». Les négociations portent sur des réglementations concernant l’ensemble de notre vie (alimentation, santé, droits sociaux…). Pourtant, elles se font sans nous, sans nos élus, mais avec des représentants des multinationales. Ce livre présente les enjeux de TAFTA et en identifie les risques potentiels, afin que les citoyens s’approprient ces questions et exigent un vrai débat démocratique. »

 

► Entretien avec Thomas Porcher : 

https://www.youtube.com/watch?v=FRewqr-6-r4

<< Quelles normes l'accord fera-t-il prévaloir ?

Thomas Porcher - Sans doute celles des plus forts. En matière d’électronique par exemple, il y a six entreprises américaines dans le top 10 mondial, et aucune européenne. Dans l’informatique et les services financiers, les trois premières entreprises sont américaines et dans le top 10 des plus grosses marques mondiales, tous secteurs confondus, nous retrouvons huit entreprises américaines et aucune société européenne… Logiquement, ce sont les entreprises européennes qui vont devoir s’aligner sur les normes américaines, avec le coût d’ajustement que cela implique.

Mais l’Europe ne va pas négocier un traité qui la dessert…

TP - Certains secteurs européens seront gagnants, comme celui de l’automobile. Mais si les experts de Bruxelles négocient, c’est surtout par idéologie, parce qu’ils croient réellement aux bienfaits du libre-échange sur la croissance et l’emploi. Or, il est intéressant de se souvenir, par exemple, du rapport Cecchini de 1988. D’après lui, la création du marché unique en Europe devait procurer une croissance de 6,5% par an et créer des millions d’emplois… Cela n’a pas été le cas. Plus largement, le Tafta ne répond pas aux problèmes actuels de l’Europe en termes de réglementation de la finance, de transition énergétique et même d’emploi.

L’un des points qui fait débat, c’est la création de tribunaux d’arbitrage. De quoi s’agit-il ?

TP - Un tribunal de ce type existe déjà à Washington. Son rôle est de gérer les conflits opposant les entreprises aux Etats. Dans les faits, il veille à ce que les entreprises soient confrontées à un « environnement juridique économiquement stable ». Prenons l’exemple des gaz de schiste. En France, des permis d’exploration avaient été accordés, notamment à une entreprise américaine, avant d’être annulés, quand le législateur a décidé d’interdire la fracturation hydraulique. Si le Tafta autorise le tribunal d’arbitrage, ce dernier pourrait condamner l’Etat français à verser des dommages à l’entreprise américaine, puisqu’elle a été « victime » d’une évolution de la législation. Mais il ne prendra pas en compte la légitimité de cette interdiction, par exemple pour les populations locales.

Mais Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, est très clair: il ne veut pas de ces tribunaux d’arbitrage…

TP - Effectivement et il est possible qu’il n’en soit pas question dans le futur accord. Mais pour l’heure, tous les accords déjà actés entre les différentes puissances à travers le monde les prévoient. Y compris celui signé entre l’UE et le Canada, même si nous ne savons pas encore quelle forme exacte prendra ce tribunal d’arbitrage. >>

 

Thomas Porcher est docteur en économie de l’université Panthéon-Sorbonne, professeur associé à l’ESG-MS et chargé de cours à l’université Paris-Dauphine. Il est notamment l’auteur du Mirage du gaz de schiste (Max Milo, 2013).

Frédéric Farah est diplômé de Sciences-po Paris, professeur de sciences économiques et sociales et chargé de cours à l’université Paris Sorbonne-Nouvelle. Il a contribué à l’ouvrage collectif Regards sur un XXIe siècle en mouvement (Ellipses, 2012).

 

 

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* Obama à Hanovre : « Nous allons donc réunir un sommet de l'OTAN cet été à Varsovie... [Il s'agit de] renforcer la défense de nos alliés communs sur la ligne de front en Pologne, en Roumanie et dans les Etats baltes. » On connaît le rôle des services US dans ce qui s'est passé à Kiev en 2014, ainsi que dans les surenchères des dirigeants de Varsovie, Vilnius, Riga et Tallin.

 

 

 

ET IL Y AUSSI LA MENACE DU  T.I.S.A.  !

Un eurodéputé met en garde :

http://www.liberation.fr/france/2016/04/27/apres-le-tafta-tisa-une-directive-bolkestein-puissance-10_1448995

 

<< Après le projet de Tafta (Trans-Atlantic Free Trade Agreement), traité de libre-échange transatlantique, vous vous opposez au «Tisa», de quoi s’agit-il ?

D’un nouveau projet de traité commercial international («Trade In Services Agreement») qui concerne 50 pays, dont les 28 de l’Union européenne, les Etats-Unis, l’Australie… Le but de cet accord est de libéraliser l’ensemble des services pour cadrer avec le contexte actuel de la révolution numérique. C’est une directive Bolkestein puissance 10 !

 
Quels services seraient libéralisés ?

Tous ! Y compris les services publics – transports, hôpitaux, écoles… Par ailleurs, comme pour le Tafta, les négociations ont été lancées dans une opacité totale, en Suisse en mars 2010. Il a fallu des fuites sur WikiLeaks en 2014 pour que la Commission européenne soit obligée de rendre publics quelques éléments. Mais nous en sommes au 17e cycle de négociation et personne n’en parle.

 
Pourquoi la France réagit-elle sur le Tafta et pas sur le Tisa ?

C’est une négociation qui se tient hors cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et ce n’est pas la France en tant que telle qui négocie mais l’UE.

Comme pour le Tafta. Comment expliquer que le gouvernement français ne s’alarme-t-il pas dès aujourd’hui ?

Parce que la négociation sur le Tisa est plus opaque, il y a moins d’intérêt immédiat. Le Tafta est plus compréhensible, plus visible. En face, ce sont les Etats-Unis et le modèle américain. Les Français comprennent les enjeux qui concernent notamment l’alimentation (poulet javellisé, bœuf aux hormones…). Pour le Tisa, il y a un travail pédagogique à faire, comme à l’époque de la directive Bolkestein, en 2005.

 
Que demandez-vous ?

D’abord, une révolution méthodologique : une transparence absolue. Ces sujets concernent la vie quotidienne des citoyens. On ne peut pas négocier comme ça dans leur dos. Ensuite, il faut garantir la protection des données personnelles, or nous n’avons aucune garantie sur le sujet. Il s’agit également de préserver les droits des Etats à légiférer. Par exemple, il existe dans cet accord des clauses qui rendraient irréversibles ces décisions de libéralisation : si un gouvernement libéralise le secteur de l’eau, un autre gouvernement élu ne pourrait pas revenir dessus. Je demande aussi à ce que les services publics soient exclus du champ de la négociation. Enfin, certains pays qui participent à ces négociations n’ont pas ratifié les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT). Tout le monde doit être à armes égales. Le Tisa est une bombe à retardement. >>

 

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Commentaires

SERVICES PUBLICS

> A noter, touchant nos services publics, les points de vue opposés sur le TTIP et sa déclinaison TISA, de Lora Verheecke, de l’ONG Corporate Europe Observatory, et de Pascal Kerneis, directeur général du Forum européen des services
( http://www.lagazettedescommunes.com/438432/etats-unis-et-europe-sattaquent-au-secteur-public-local-pour-conclure-le-tafta/ ) :
« Une fois externalisés, les services d’eau, de gestion des déchets, de restauration collective, de transports urbains ou bien encore de nettoyage des bâtiments municipaux ne pourront plus être réinternalisés. Du moins, faire marche arrière après que ce traité transatlantique aura été ratifié, coûtera très cher. L’exécutif municipal ou intercommunal sera en effet susceptible d’être poursuivi devant un tribunal d’arbitrage privé par l’entreprise qui bénéficiait jusqu’alors de la délégation » assure Lora Verheecke, de Corporate Europe Observatory. Un point de vue que ne partage pas Pascal Kerneis, directeur général de l’European Services Forum. « Rien n’empêchera un nouveau maire de “re-municipaliser” un service public délégué par son prédécesseur. En cas d’interruption en cours de contrat, sa collectivité sera, au pire, condamnée à verser des droits de compensation à l’entreprise prestataire, en application du droit français et européen, et non des dispositions d’un futur traité transatlantique. En vertu des règles internationales, seul l’Etat et non la collectivité, pourrait d’ailleurs être poursuivi devant le tribunal d’arbitrage privé. »
Pascal Kerneis, comme directeur général du cabinet de lobbying Forum européen des services, basé à Bruxelles, représente les intérêts de la banque, de l’assurance et du secteur des télécoms dans la négociation en cours, c’est un dérégulateur expérimenté qui a fait ses preuves lors des négociations de 1997 à l'OMC qui aboutirent à un accord sur les services financiers. Sur les menaces touchant nos services publics, c’est plutôt Lora Verheeke qu’il faut écouter.
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Écrit par : Denis / | 28/04/2016

APPAREIL, POUVOIR, IDÉOLOGIE

> "Pur produit du libéralisme idéologique" : je dirai plutôt "Pur produit de l'oligarchie actuelle". A la base, de toute façon, tout système de pouvoir fonctionne vite comme ça. Il y a ceux qui savent et qui décident de l'intérêt général, qui ont les bons codes ("bonnes" écoles, maîtrise de l'anglais, etc.), et qui gouvernent (et en tirent d'énormes avantages pour eux-mêmes et leurs enfants, pas seulement financiers d'ailleurs), et les autres qui doivent suivre et dont les avis ne comptent pas vraiment, car d'une part les médias sont contrôlés (subventionnés donc achetés), d'autre part on en tient pas réellement compte de leurs avis. Il faut donc aller un peu plus loin qu'une simple critique du libéralisme, mais s'attaquer effectivement aux mauvaises racines du pouvoir : ré-élections sans fin, cooptations, avantages hors du droit commun (impôts minorés ou exemptions, caisses de retraites particulières très avantageuses, etc.). Personne ne le dit bien sûr dans les partis politiques, seul le pape met le doigt sur ces problèmes, mais me semble mal relayé par les responsables de l'Eglise de France que je trouve bien silencieux (ou qui communiquent alors assez mal).

BCM


[ PP à BCM - Nous sommes effectivement en désaccord sur ce point. je ne pense pas que tout pouvoir soit corrupteur, en dépit de l'adage (libéral) bien connu. Et je pense que la pire corruption du pouvoir est sa vassalisation par Mammon. C'est ce qui est arrivé à la "construction européenne" : vouée dès 1947 à servir un plan financier et commercial (transatlantique) pour réduire les pays d'Europe au rang de marché unique, elle a d'abord pris la forme d'une technocratie, pour imposer le carcan aux Etats ; après 1990, cette technocratie a jeté le masque en affichant sa sujétion au libre-échangisme. Ainsi l'UE est un appareil de plus en plus au service de l'ultralibéralisme... C'est sa différence avec l'URSS, appareil qui fut de moins en moins au service de l'idéologie communiste. ]

réponse au commentaire

Écrit par : BCM / | 28/04/2016

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